Cassagnes et le Fenouillèdes
Un peu d'histoire régionale ....

Extrait carte de Cassini du XVIIIème siècle.

 

L'étude de l'histoire du village de Cassagnes n'a pour ainsi dire jamais été effectuée.
Depuis quelques années, seule une association réunissant quelques passionnés essaie d'élaborer l'histoire de Cassagnes et des Cassagnols, à partir des documents parvenus jusqu'à nous.
Avant le XVIIe siècle, ces documents sont rarissimes et les seules mentions du village ont été trouvées dans des études sur l'histoire régionale.
Pour connaître l'histoire de Cassagnes jusqu'au XVIIe siècle ou du moins s'en faire une idée, il faut se référer aux études effectuées sur le pays auquel le village appartient : Le Fenouillèdes.


Début de l'ère féodale

 

Les premières mentions du pays de Fenouillèdes apparaissent au IXe siècle sous le terme de "Pagus Fenioletensis". C'est à cette époque que débute l'ère féodale qui donne naissance à un enchevêtrement d’enclaves de toutes sortes formées de comtés plus ou moins indépendants les uns des autres, mais répondant à une stricte hiérarchie de reconnaissance.

 

Ainsi, le Fenouillèdes dépendait du comté de Razès et ce dernier était possédé en commun par Wilfred le Velu, comte de Barcelone, par son frère Miron, comte de Roussillon et par les frères Oliba II et Acfred 1er, comtes de Carcassonne. Le Fenouillèdes était compris dans la partie possédée par Wilfred le Velu.

 

En 870, le comté de Razès est définitivement démembré et le Fenouillèdes est attribué en  propre à Wilfred le Velu, comte de Barcelone.


Le Fenouillèdes, royaume d'Aragon

 

Bernard III, comte de Besalù et de Fenouillèdes se marie en 1107 avec la fille du comte de Barcelone, Raymond Bérenger III, léguant à ce dernier ses comtés de Bésalù, Ripoll, Vallespir, Fenouillèdes et Perapertusès au cas où il mourrait sans enfant mâle.

 

Bernard III meurt sans descendance en 1111. Le comte de Barcelone Raymond Berenger III hérite, comme il en était convenu, des comtés de son gendre avec, entre autres, le Fenouillèdes. Six ans plus tard, en 1117, Raymond-Berenger III parvient à capter également l’héritage du dernier comte de Cerdagne, Bernard-Guilhem mort lui aussi sans descendance et reconstruit ainsi à son profit presque toute l’ancienne Marche d’Espagne.

 

Raymond Berenger III, comte de Barcelone, meurt en 1130 laissant à ses deux fils un immense domaine. L’aîné, Ramon Berenger IV, reçoit tous les comtés paternels.
Devenu comte de Barcelone, Besalù, Fenouillèdes, Cerdagne, maître d’un territoire considérable, Ramon-Berenger IV épouse en 1137 Pétronille, la fille unique et héritière du roi d’Aragon, Ramirez. De ce fait, Ramon-Berenger devient roi d’Aragon et comte de Barcelone.
Dès lors, le Fenouillèdes n’est plus qu’un petit rouage du royaume d’Aragon.

 

Aragon


Albigeois et Cathares

 

Durant un peu plus d'un siècle, de 1137 à 1258, les Cassagnols seront donc sujets aragonais.
Pendant cette période se déroulèrent des événements qui entraîneront des bouleversements profonds dans l'histoire du Fenouillèdes.
Le 14 Janvier 1208, envoyé en mission auprès du comte de Toulouse afin que celui-ci réagisse sur le problème d’hérésie en Languedoc, le légat du pape Innocent III, Pierre de Castelnau, est assassiné d’un coup de lance près de Beaucaire.
Cet attentat déclenche la croisade contre les Albigeois ou Cathares, préparée et ordonnée par l'église catholique, armée et dirigée par la noblesse européenne coalisée.
Pour la noblesse d'Île de France, commandée par Simon de Montfort, c'est également un prétexte pour s'emparer des riches possessions des nobles méridionaux et ce, bien entendu, afin d'accroître leur domaine. Un an plus tard, les croisés sont aux portes de Béziers.

 

La première croisade des Albigeois.
Notre but n'est pas de faire un exposé complet sur ces événements mais de nous intéresser au rôle qu'ont joué les seigneurs du pays, en particulier Pierre de Fenouillet, vicomte de Fenouillèdes et aux conséquences de la guerre sur l’avenir du pays et de Cassagnes en particulier.

 

Durant les débuts de la guerre, le Fenouillèdes sera épargné voire ignoré par les croisés car l’hérésie Cathare était surtout implantée dans le comté de Toulouse et la vicomté de Carcassonne. La croisade portait donc sur ces territoires et n'était pas dirigé contre l'Aragon même si toutefois l'un de ses seigneurs, le vicomte de Fenouillèdes, Pierre de Fenouillet, était un farouche défenseur de la foi Cathare et un des fidèles alliés de Raymond-Roger Trencavel, vicomte de Béziers. Son père, seigneur de Saissac, avait été d’ailleurs lui-même allié de la famille de Guilhabert de Castres, Evêque Cathare de l’Albigeois.

 

Les évènements vont se précipiter quand Pierre II, roi d'Aragon et suzerain du comte de Toulouse et du vicomte de Béziers, prend les armes contre les croisés et vient au secours de ses vassaux.
Le roi est tué lors de la bataille de Muret, le 12 Septembre 1213, mettant fin à l'aide militaire apportée au comte de Toulouse. L’Aragon doit s’incliner et mettre bas les armes.
Jacques, fils du roi Pierre, est trop jeune pour régner et la régence du royaume d’Aragon est confiée au comte du Roussillon, Sanche.

 

La deuxième croisade des Albigeois :
En 1224, une deuxième croisade est menée par le nouveau roi de France, Louis VIII.
Deux ans plus tard, le vicomte de Fenouillèdes est accusé ouvertement d’hérésie. En effet, celui-ci s’était ligué avec les seigneurs "faydits" du Languedoc, c’est à dire les seigneurs dépossédés de leurs terres et avait continué la lutte à leur côté.
Conséquence directe et inévitable, le comte du Roussillon et régent d'Aragon, Nunyo Sanche, rangé sous la bannière des croisés, confisque le domaine de Pierre de Fenouillet.

 

Le 12 avril 1229, le comte de Toulouse, Raymond VII, est obligé de se soumettre lors du Traité de Paris et est contraint de marier sa fille Jeanne avec Alphonse de Poitiers, frère de Louis IX, roi de France. Une clause du traité stipule également que le comté de Toulouse sera rattaché au royaume de France dans le cas où Alphonse de Poitiers et Jeanne de Toulouse meurent sans enfants.
En juin de la même année, un acte officiel reconnaît officiellement la perte de la vicomté de Fenouillèdes au profit de Nunyo Sanche. Le Fenouillèdes reste aragonais.

 

Derniers sursauts.
Revenu d'exil, Raymond Trencavel, vicomte de Béziers et fils de Raymond-Roger, organise une armée composée des chevaliers "faydits" et de quelques seigneurs dont Pierre de Fenouillet.
Trencavel s’empare de plusieurs places et attaque la Cité de Carcassonne le 17 septembre 1240. Après vingt quatre jours de siège, il lève le camp à l'annonce de l'arrivée d'une armée de secours, le 11 octobre 1240.
Celle ci poursuit les restes de l’armée de Trencavel à travers les Corbières et arrivée devant Peyrepertuse, le seigneur du lieu abandonne la forteresse. En novembre, la citadelle devient possession Française.
Reparti en exil, Pierre de Fenouillet abandonne à nouveau sa vicomté en 1242.
A plusieurs lieues de là, Montségur est pris le 16 mars 1244. 243 Cathares périssent sur le bûcher.

 

C’est à partir de ce moment que le Fenouillèdes va jouer un rôle important dans les dernières années de l’épopée Cathare.
En effet, le pays contribuera pour beaucoup et avec l’aide des seigneurs locaux, a accueillir et protéger les derniers hérétiques pourchassés par les croisés. Après Montségur, les derniers Cathares se réfugieront dans ces dernières citadelles du vertige que sont Puilaurens et Quéribus.
Puilaurens tombe en 1246 et en 1255, Quéribus, la dernière forteresse Cathare se rend sans combattre.

 

Date importante pour Cassagnes et le Fenouillèdes : 11 mai 1258. C'est le traité de Corbeil qui met fin au conflit concernant les limites territoriales entre la France et l'Aragon.
Les séquelles de la guerre et les préoccupations stratégiques font que Saint Louis renonce à ses droits de souverain sur le Roussillon et le comté de Barcelone tandis que le roi d’Aragon Jacques 1er renonce, de son côté, à tous ses droits de suzerain sur le Languedoc et la Provence.

 

Le roi d’Aragon devient ainsi le maître absolu du Roussillon, Vallespir, Conflent, Capcir et Cerdagne tandis que le Fenouillèdes et le Peyrapertusès sont cédés à la France.

 

Pour tout savoir sur les événements qui se sont déroulés pendant toute cette période, un site incontournable à visiter :

 

http://www.cathares.org

 

En août 1271 et à quelques jours d'intervalle, Alphonse de Poitiers et sa femme Jeanne de Toulouse, la fille de Raymond VII, meurent sans enfants. Comme il en avait été convenu dans le traité de Paris en 1229, le comté de Toulouse est définitivement rattaché au royaume de France.
Le 1er Septembre 1271, les Capitouls reconnaissent le roi de France Philippe lll le Hardi pour seigneur immédiat et prêtent serment de fidélité sur la Bible.
Déjà annexés par la France depuis presque 13 ans, Cassagnes et le Fenouillèdes deviennent partie intégrante de la nouvelle province du Languedoc formée par l’ensemble des territoires méridionaux conquis.

 

Languedoc

 


Le Fenouillèdes, zone frontière

 

L'une des 2 bornes située à la limite
des communes de Ille, Montalba et de Bélesta
délimitant la nouvelle frontière entre la France et l'Aragon.
L'autre borne située à la limite des communes
d'Ille et de Montalba.

 

Durant 4 siècles, le Fenouillèdes deviendra zone frontière entre la France et :

  • l'Aragon : De 1258 (traité de Corbeil) à 1276 (création du royaume de Majorque).
  • Majorque : De 1276 à 1343, année du retour au royaume d'Aragon.
  • A nouveau l'Aragon : De 1343 à 1462, année de l'achat du Roussillon par le roi de France.
Croix d'Aragon gravée au pied de l'une des bornes frontières.

 

Pendant cette période, notamment en 1367, c'est la grande peste et le début des invasions des routiers puis des grandes compagnies. Ces derniers sont, avec la peste et les Anglais, un des plus grands fléaux des XIVe et XVe siècle. En effet, pendant les longues trêves de la guerre de Cent ans, les soldats licenciés se regroupent en bandes armées pour piller et ravager les régions qu’ils traversent. Le Fenouillèdes n'est pas épargné et les chroniques de l'époque citent leurs exactions durant les années 1362, 1375, 1381 et 1390.

  • L'Aragon est uni à la Castille en 1469 et c'est à l'Espagne que le Roussillon est cédé par la France, en 1492. Le Fenouillèdes redevient à nouveau zone frontière et ce, jusqu'en 1659.

Les XVe, XVIe et XVIIe siècles seront aussi, pour le Fenouillèdes, synonymes de guerres, famines, peste et autres fléaux. Celui-ci ne connaîtra la paix des armes qu'avec le traité des Pyrénées.


La guerre de Trente ans et le traité des Pyrénées

 

Entre 1618 et 1648 eut lieu un conflit meurtrier qui ravagea le nord de l’Europe.
Cette guerre appelée “ Guerre de trente ans ” opposa les protestants et les catholiques de l’empire d’Autriche. L’Allemagne en a été le champ de bataille.
La France, restée neutre jusqu’alors, déclare en mai 1635 la guerre à l’Espagne, alliée de l’Autriche.
Richelieu décide d’envahir le Roussillon et après les Flandres, les hostilités commencent dans les Pyrénées.

 

Dans le courant de l’année 1639, les armées françaises et espagnoles s’affrontent tout le long de la frontière. Ainsi côté Espagnol, le 10 juin 1639, le château d’Opoul tombe aux mains des Français, le 18 Vingrau est occupé. Salses est pris par les armées du prince de Condé en juillet. Le 5 septembre, c’est au tour de Tautavel. En octobre, les Français entrent dans Estagel, puis occupent Ille.
Mais également côté Français, le village voisin de Latour est ravagé par les armées espagnoles mais aussi françaises. Montalba, également village frontière, subit de nombreux assauts. L’église de Saint Barthélémy de Jonquerolles, située à Bélesta, aurait été également détruite à cette époque. Enfin à Cassagnes, d’après des sources récentes et inattendues (*), le village aurait été entièrement brûlé à la fin de l'année 1639 par les troupes espagnoles.

 

Perpignan capitule le 9 septembre 1642.
Les traités de Westphalie, signés en 1648, mettent un terme à cette sinistre guerre, mais le conflit se prolongera encore dix ans entre la France et l'Espagne. Il faudra en effet attendre le 7 novembre 1659 pour que le traité des Pyrénées ramène la paix entre les deux pays. Parmi les clauses du traité, le Roussillon est définitivement rattaché au royaume de France, repoussant ainsi la frontière avec l’Espagne.

 

A partir de cette époque, des informations beaucoup plus précises sur Cassagnes nous sont parvenues et l'association "Cassagnes, d'Hier et d'Aujourd'hui" tente de les regrouper, les étudier afin de retracer la vie du village et de ses habitants jusqu'à nos jours. Toutes ces informations ont été également regroupées dans la rubrique des "Chroniques locales à travers le temps".

(*) Acte de baptême de la paroisse Du Vivier daté d'avril 1640 notifiant cet état de fait.


La création du département des Pyrénées-Orientales


Les communes du Fenouillèdes

 

Dans les Pyrénées-Orientales, les 28 communes par ordre alphabétique :
Ansignan, Bélesta, Campoussy, Caramany, Cassagnes, Caudiès de Fenouillèdes, Felluns, Fenouillet, Fosse, Lansac, Latour-de-France, Le Vivier, Lesquerde, Maury, Montalba-le-Château, Pézilla de Conflent, Planèzes, Prats de Sournia, Prugranes, Rabouillet, Rasiguères, Sournia, St Arnac, St Martin, St Paul de Fenouillet, Trévillach, Trilla et Vira.

 

Dans l'Aude, les 8 communes par ordre alphabétique :
Axat, Counozouls, Gincla, Lapradelle-Puilaurens, Montfort sur Boulzane, Salvezines, St Martin-Lys et Ste Colombe sur Guette.


Les anciens comtes et vicomtes du Fenouillèdes

 

Cette rubrique va être élaborée prochainement.
En attendant, voici ci-dessous le blason de Pierre de Fenouillet.

 

Fenouillet


Les 3 blasons de l'Aragon, Languedoc et Fenouillet sont issus
du site Earlyblazon et récupérés avec la permission de l'auteur.
De plus, ce site fait référence à de très nombreux documents relatant les faits lors de la croisade Albigeoise.


Parmi les Sources bibliographiques :
Le Pays et la Vicomté Féodale de Fenollède, Annie DE POUS
Recueil d'études sur La Tour de France et des localités environnantes, Claude COLOMER
Fenouillèdes, diocèse d'Alet, Albert BAYROU